RENDZINES ET SOLS CALCIMAGNÉSIQUES

RENDZINES ET SOLS CALCIMAGNÉSIQUES
RENDZINES ET SOLS CALCIMAGNÉSIQUES

Les rendzines et «sols calcimagnésiques» sont des sols plus ou moins indépendants du climat et de la végétation (sols «intrazonaux» des auteurs russes) dont le développement est conditionné par la présence de matériaux originels calcaires, ou du résidu d’altération auxquels ils correspondent (décarbonatation). Les plus caractéristiques, appelés rendzines, sont développés sur des roches carbonatées (calcaires, dolomies); sur des marnes se développent le plus souvent des «sols bruns calcaires».

Le profil des sols calcimagnésiques est de type AR, AC, ASR ou ASC, mais ne comporte jamais d’horizon B textural (référentiel pédologique). La matière organique de l’horizon A a un rapport C/N bas (de 8 à 12); elle est fortement liée aux éléments minéraux et détermine une structure très nette et stable. Le ravitaillement du sol en cations bivalents est assuré par une roche carbonatée, ou par une roche riche en calcium, qui existe sous le profil, ou encore par des apports latéraux. Les argiles, essentiellement du type 2/1, sont, dans la plupart des cas, héritées du matériau originel. Enfin, le complexe absorbant est toujours saturé, principalement par le calcium, ou bien par le calcium et le magnésium, ce qui nécessite, pour ces sols par ailleurs de grande qualité, certaines mesures de fertilisation.

Origine du concept

On a longtemps appelé «sols calcimorphes» des sols dont le caractère essentiel était l’abondance d’ions bivalents: calcium et magnésium. Dès 1928, C. P. Marbut les avait désignés sous le terme de «pédocals». En fait, ces sols calcimorphes regroupaient:

– des sols d’origine climatique, tels que les sols calcimorphes de steppe (chernozems, sols châtains, etc.), constituant la classe des «sols isohumiques» de la classification française de 1967 et regroupés dans la classe des «mollisols» de la classification américaine;

– des sols d’origines climatique (climat chaud) et topographique (mauvais drainage), appelés tout d’abord «argiles noires tropicales», puis «vertisols» dans la classification américaine et conservés sous ce terme dans la classification française;

– enfin, des sols dont les caractères morphologiques des horizons supérieurs sont déterminés par la présence abondante d’ions alcalino-terreux, mais dans lesquels la partie inférieure du solum, quand elle existe, ne montre ni les caractères des vertisols, ni ceux des sols isohumiques. Ils constituent la classe des «sols calcimagnésiques» de la classification française.

Principes d’évolution

L’altération des roches carbonatées est due essentiellement au processus de décarbonatation. On distingue:

– les sols «carbonatés», contenant des carbonates et encore des fragments de la roche;

– les «sols décarbonatés», appelés «sols calciques» ou «sols saturés», ne contenant plus de carbonates (moins de 2 p. 100), mais dont le complexe absorbant est toujours saturé par le calcium ou bien par le calcium et le magnésium.

On peut entrevoir les phénomènes évolutifs de la manière suivante (R. Durand et P. Dutil, 1971; D. Blaize, P. Jamagne et G. Aubert, 1994). Le processus de décarbonatation paraît essentiellement lié à la structure et à la nature minéralogique des cristaux constituant les roches, ce qui explique la différence des vitesses d’altération entre les calcaires durs et les calcaires tendres, d’une part, et entre les roches calcaires et les roches dolomitiques, d’autre part.

Sur les roches calcaires tendres (craies) et sous climat tempéré, la décarbonatation globale est ralentie, en raison d’une forte porosité qui freine la percolation. En surface, il y a décarbonatation et, parallèlement, néoformation de calcite, enrobant parfois la matière organique (Muller et Vedy, 1978); sous l’horizon AP apparaissent des néoformations de calcite, dues à l’activité racinaire (CO2) et conduisant à la formation d’un encroûtement calcaire (Durand, 1978).

Sur les roches calcaires ou dolomitiques dures, les faibles porosités intercristalline et de vacuole ne laissent apparaître qu’une décarbonatation qui se produit en surface des matériaux, mais qui sera totale: l’évolution conduit directement à des sols saturés. Le relief peut modifier cependant ces conditions générales en contribuant à des apports latéraux, ce qui a pour effet le ralentissement de l’évolution sur les pentes et la genèse plus ou moins importante de certains encroûtements calcaires (Ruellan, 1984).

Les marnes constituent un matériau intermédiaire entre les roches carbonatées et les roches silicatées. La silice peut être éliminée en même temps que les carbonates, mais à une vitesse plus faible, surtout en climat froid. Dans la nature, la faible perméabilité des marnes limite les phénomènes à la décarbonatation, partielle ou totale en surface, accompagnée d’une accumulation plus ou moins importante de carbonates secondaires en profondeur.

Lorsque la décarbonatation est réalisée, la saturation du complexe reste assurée par le recyclage biologique, du moins pour les sols peu épais. Pour les sols profonds, une légère désaturation peut s’effectuer dans les horizons supérieurs.

Dans le mouvement de descente des cations, on constate un enrichissement relatif des horizons profonds en magnésium par rapport au calcium, ce qui laisse supposer une migration plus rapide du magnésium.

Dans les sols calcimagnésiques, il n’existerait pas, en principe, de migrations de minéraux argileux (absence d’horizon B textural). Cependant, il est possible d’observer des phénomènes de migrations, qui peuvent commencer après décarbonatation et avant désaturation du complexe absorbant.

Quelques processus secondaires viennent parfois se greffer sur l’évolution principale de décarbonatation et de désaturation. Il peut ainsi apparaître des horizons structuraux S, des phénomènes d’hydromorphie et des caractères vertiques peu marqués.

En résumé, la formation et l’évolution des sols sur les roches carbonatées commencent par une dégradation physique (gel-dégel principalement) et se poursuivent par une altération chimique: tout d’abord, par «dissolution» des carbonates par les ions C3H contenus dans l’eau de percolation et issus du C2 de l’air et de l’action biologique, puis «transfert» des ions Ca++ (et Mg++) sous la dépendance principale des concentrations en anions C2H, 3, S 4 et enfin «migrations» hors profil ou «précipitations» partielles de CaC3 selon l’équilibre géochimique saisonnier des solutions du milieu ambiant.

Les principaux sols calcimagnésiques

Sols carbonatés

Rendzines

Les rendzines, ou rendosols (cf. figure), sont des sols fortement carbonatés, contenant fréquemment des fragments de la roche mère; la matière organique est intimement liée à la matière minérale et assure une structure très stable, fine, souvent grumeleuse, mais parfois polyédrique; le profil est de type AC ou AR. Les rendzines typiques sont développées sur calcaires tendres le plus souvent, mais également sur les pentes des calcaires durs. Les rendzines dolomitiques (cryptorendzines ) sont formées sur dolomie, et généralement rencontrées sur pentes.

Sols bruns carbonatés

Les sols bruns carbonatés, ou calcosols (cf. figure), ont un horizon S structural, contenant encore des carbonates; une décarbonatation a pu commencer, mais l’horizon A reste carbonaté; la teneur en matière organique est plus faible que dans les rendzines. Les sols bruns calcaires sont en principe trouvés sur craie tendre, craie argileuse, marnes, et calcaire dur en position de pente. Les sols bruns dolomitiques , ou dolomitosols, se développent sur marnes dolomitiques et sur pentes de dolomies compactes.

Rendzines brunifiées

Les rendzines brunifiées (cf. figure) possèdent une structure de type «rendzine» en A, dont la teneur en matière organique est généralement plus élevée que dans les sols bruns calcaires; les cailloux abondent dès la surface et l’horizon S est faiblement développé par rapport à A; la décarbonatation est irrégulière. Ces sols naissent essentiellement sur marnes et sur calcaires tendres à résidus insolubles importants.

Sols saturés

Sols bruns saturés

Les sols bruns saturés (cf. figure), de profil AC ou ASC, ne contiennent plus que des traces de carbonates, mais le complexe absorbant reste saturé. La structure est en général polyédrique. Les sols bruns calciques , ou calcisols, sont formés sur calcaire dur ou marne, et leur complexe absorbant est saturé principalement par le calcium. Les sols bruns calcimagnésiques sont développés sur une roche dolomitique (dolomie, marne magnésienne); le complexe absorbant est saturé par le calcium et le magnésium.

Sols humiques carbonatés

Dans les sols humiques carbonatés (cf. figure), nés sur pentes en montagne, l’évolution est freinée par les conditions climatiques et topographiques; ils sont riches en matière organique.

Cas particulier des sols gypseux

Les roches gypseuses peuvent assurer parfois un ravitaillement du complexe absorbant en calcium. En fait, le gypse, très soluble (2 g/l dans les conditions de température ordinaire), est exporté rapidement hors du profil vers les points bas, où il participe ensuite à une évolution dans le cadre de sols halomorphes; c’est le cas des zones arides ou subarides.

Dans le cas de marnes gypseuses où le gypse est aussi dissous et exporté, l’évolution se poursuit comme sur des marnes ordinaires et peut conduire soit à des sols rendziniformes gypseux, soit à des sols bruns gypseux. Enfin, en milieu gypseux, avec végétation, l’activité racinaire peut conduire à la formation d’encroûtements gypseux et calcaro-gypseux (phénomènes actuels dans les régions présahariennes et les oasis du bas-Sahara).

Caractères agronomiques et conditions de mise en valeur

Les sols évoluant sur roches calcaires constituent de très bons sols de culture, malgré certains problèmes particuliers de fertilisation et parfois de réserve en eau.

Sur craie, les sols ont une excellente réserve hydrique due à la porosité du matériau; la teneur en matière organique est bonne, de même que la structure; il s’ensuit un ressuyage rapide des terres et des conditions de travail faciles. Les difficultés proviennent de la composition de la roche mère (de 95 à 98 p. 100 de calcaire total, donc pratiquement dépourvue de tous autres éléments minéraux) et de l’abondance du calcium. Pour la mise en valeur, on doit effectuer des fumures correctives importantes en phosphore, potasse, et particulièrement des apports de magnésie et bore. Pour l’entretien, la fumure phosphatée doit être renforcée afin de compenser le blocage du phosphore, qui est dû à la formation de phosphates calciques insolubles (rétrogradation apatitique).

Sur calcaire dur, les sols ont un résidu d’altération plus argileux et sont moins profonds; la réserve hydrique est faible et leur utilisation est généralement limitée aux cultures d’hiver. L’abondance de calcium nécessite aussi une fumure phosphatée, renforcée par rapport aux exportations réelles des cultures. Enfin, sur marnes calcaires, les terres sont beaucoup moins faciles à travailler, et dans des temps limités. Si les réserves hydriques et potassiques sont bonnes, il convient là aussi de renforcer la fumure phosphatée. Des prairies temporaires de moyenne durée contribuent à une nette amélioration de la structure.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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